Frankenstein ou le Prométhée Moderne – Mary Shelley
Regardez cette petite présentation en motion design pour commencer ! (Et oui, oui, c’est bien ma voix que l’on entend ! Soyez indulgents, c’est la première fois que je m’enregistre !)
Mary Shelley, romancière britannique née en 1797 était la fille de la philosophe féministe Mary Wollstonecraft et du philosophe William Godwin. C’est à l’âge de 19 ans, alors mariée avec Percy Shelley qu’elle écrit son premier roman épistolaire Frankenstein ou le Prométhée moderne, en seulement trois jours.
Dès sa publication, son œuvre fut regardée comme un roman gothique, genre littéraire anglais né en 1764 avec Le Château d’Otrante d’Horace Walpole. Un genre peu considéré à l’époque, qui mettait en scène le sentimental et le macabre. Son œuvre constituera un pilier dans ce genre. Mais, publié dans un contexte où les sciences et le questionnement de la foi font fureur dans les cercles intellectuels, il fut également représenté comme un roman précurseur du genre de la science-fiction.
Résumé
Durant le 19ème siècle, un aventurier au nom de Robert Walton décide d’entreprendre un voyage vers le Pôle Nord. Il va y faire la rencontre d’un certain Victor Frankenstein, un scientifique souffrant et tourmenté qui décide de lui faire le récit de sa vie. Une histoire particulièrement glaçante que Robert prendra soin de retranscrire dans ses lettres envoyées à sa sœur…
En effet, le savant révélera comment durant ses études, une grande soif de connaissance et un engouement pour les sciences le mènera à la découverte d’un secret, et pas du moindre ; celui de la vie. Un exploit qui se transformera en un crime ; une création surhumaine et hideuse qui deviendra par la suite un redoutable assassin.
Mon avis
Une mise en abyme qui donne du dynamisme
Tout d’abord quand j’ai commencé ce livre, j’ai été surprise qu’il s’agisse comme Dracula d’un roman épistolaire avec de nombreuses mises en abyme (une histoire dans une histoire)!
Et oui, Frankenstein est en fait la composition des lettres d’un aventurier pour sa sœur dans lequel il explique avoir rencontré le savant qui lui-même va lui narrer son histoire, et dans laquelle se situe également le récit du « monstre ». Simple non ?!
De cet angle, cela peu paraître un peu tiré par les cheveux…mais en réalité, ces récits s’emboîtent si parfaitement et avec une telle fluidité qu’ils n’embrouillent aucunement le lecteur. Bien au contraire, ils permettent une meilleure compréhension de l’histoire, laissant la parole à tous les protagonistes et apportent une dynamique que j’ai personnellement beaucoup apprécié (et que j’avais adoré aussi dans Dracula).
Une morale sur les dangers de la quête du savoir
Bref, rentrons au cœur du sujet ; Au delà de la trame que j’ai trouvé entraînante, Frankenstein m’a touché par sa profonde morale.
Frankenstein a été écrit au 19ème siècle, période où le domaine des sciences connait une grande évolution ; notamment grâce au mouvement des Lumières qui remettent en cause l’idée que Dieu serait l’unique créateur. Ils seront soutenus par les parents de Mary Shelley qui va elle-même défendre cette idée dans son récit. Ainsi, dans ce contexte où la recherche scientifique connaît une explosion, l’auteure a évidemment fait de la quête du savoir avec ses dangers un thème important de son roman.
Considéré comme un héritier des Lumières, Victor Frankenstein personnalise cette soif de connaissance qui caractérise la condition humaine.
On l’oublie souvent, mais le titre de l’œuvre est Frankenstein ou Le Prométhée Moderne. Ainsi Frankenstein est directement comparé au héros mythologique Prométhée, titan qui a osé défier le Dieu tout puissant Zeus en dérobant le feu de l’Olympe pour l’apporter aux hommes et leur donner accès à la technique. Le feu dérobé est tout un symbole puisqu’il représente le Savoir. Quand il le découvre, Zeus décide de punir Prométhée en l’enchaînant au Mont Caucase et le torturer par un aigle qui chaque jour lui ronge le foie, lequel se régénère pendant la nuit, et cela pour l’éternité…
Frankenstein va lui aussi jouer à être Dieu et dépasser les limites en créant la vie, et tout comme Prométhée, il devra en payer le prix. En effet le scientifique affirme agir comme un bienfaiteur de l’espèce humaine mais son comportement révèlera en réalité une ambition démesurée et destructrice, sachant qu’il avait pour projet de créer une race à part entière.
C’est là qu’on peut deviner la science-fiction ; on comprend que l’auteure ici anticipe les dérives de la science moderne, notamment la manipulation de la vie.
Une créature qui sert de critique sociale
La créature, un être à l’apparence mi- humaine mi- cadavre les yeux à peines à ouverts, le premier regard qu’il croise est celui de son créateur, un regard emprunt de dégoût alors qu’il le traite de « cadavre démoniaque » ou encore affirme qu’« une momie ressuscitée ne pourrait être aussi hideuse que ce misérable ». Frankenstein a des mots durs car après deux années de labeur et de grandes attentes, il fait face à l’échec, horrifié par ce qu’il vient de créer. Il la rejettera instantanément et ne prendra presque jamais le temps de communiquer avec elle alors qu’elle ne demande qu’à être écoutée par son maître. En effet, le « monstre » en acquérant la parole va développer une très grande élocution et expliquera à son créateur qu’en dépit de sa laideur, il ressent comme un humain et ne désire qu’à être aimé par son père… un père qui n’a pas su écouter la détresse de sa progéniture et qui a échoué dans son devoir de la protéger.
La créature dès sa naissance et par son père créateur sera détestée et jugée pour son apparence, on peut y apercevoir là une critique sociale. Une société où malheureusement l’apparence prime sur l’intérieur. Pourquoi chercher à faire le bien si la société et mon propre père me repoussent ? Comme l’a dit Voltaire, « l’homme n’est point né méchant; il le devient« . Et la créature de Frankenstein en est le parfait exemple. S’il avait été traité différemment, peut-être n’aurait-il jamais tué. Finalement, il concentre toute sa haine sur son créateur car il est la cause de son existence qui ne lui apporte que souffrance.
Deux destins liés
Pour conclure, ce qui m’a frappé pendant ma lecture, c’est le lien qui unit deux personnages d’apparences opposées et pourtant aux destins étroitement liés, deux êtres qui à leur façon étaient finalement en proie aux même passions destructrices (quête d’amour, de connaissance, haine, vengeance), ce qui amplifie la tragédie humaine de ce roman.
Robert Walton et son choix qui servira d’ultime leçon
L’aventurier Walton a une grande importance, il servira de regard extérieur, mais surtout alors qu’il sera confronté à un dilemme impossible, le récit de Frankenstein lui permettra de remettre en question ses ambitions initiales, laissant apparaître l’ultime leçon de Mary Shelley rappelant à ses lecteurs les dangers scientifiques et la place que doit avoir l’humain.
Et vous, avez vous lu Frankenstein ou Le Prométhée moderne ? Sa lecture vous a-t-il vous aussi fait réfléchir ?